Le verre solitaire
18 août 2017
Photos: Benoit Guenot
Text: Thibaut Allache
Ces journées seul à la maison c’est le meilleur moment pour coincer la bulle et penser à soit. Je ressors les vinyles d’Oxmo qui prennent la poussière et ancré dans le canapé je laisse mon cerveau infuser dans le son.
*C’est chacun son camp qu’on se le dise. C’est comme ça que c’est*
Je suis pas du genre à la jouer perso, mais de temps en temps ça fait pas de mal. J’ai une bouteille de Clos du Tart 2004, qui dort à la cave et une côte de bœuf maturée qui s’impatiente dans le frigo. On pourrait se mettre à 4 là-dessus… Je vais faire chauffer mon four.
*L’enfant seul se méfie de tout le monde, pas par choix, mais dépit. Pense qu’en guise d’ami son ombre suffit, une solitude qui te suit jusque dans le sexe*
Où est le mal à se retrouver et savourer la solitude ? Je fais décanter pendant que ma viande grille lentement. Ça sent bon.
*Je lève mon verre à mes ex-amis, mes futurs ex-amis*
Santé. 12 ans d’âge j’en ouvre pas souvent, c’est grave si personne est la pour le partager ? Je suis le premier à rabâcher que « le vin c’est le partage, c’est la convivialité », mais ces grands adages sont vite oubliés en face à face avec une bouteille comme celle-ci.
*Et t’as trop menti, stoppe ta mytho. Et t’as trop menti, stoppe ta mytho*
C’est vrai ça, je mens, j’adore boire seul. Boire son vin seul c’est pas pour les ivrognes, les alcooliques ou les dépressifs non, c’est un rituel intime de passionnés, d’amoureux, de monomane du vin. On le regarde langoureusement, sans parler, on le sent, puis on le goûte et rien ne vient troubler ces 75 centilitres de plaisir égoïste. Quand on boit son vin seul, on a des discussions de téléphone rose avec lui, on en dit que du bien, on lui dit qu’on l’aime, on ne parle pas de ses défauts et on ne vante pas la bouteille d’un autre. Je suis plein. L’égoïsme ça a du bon ; c’est comme le gras, on nous dit que c’est mauvais, pourtant sans un peu de gras, tout est fade. Je vais le faire plus souvent
*Je pense à Momo qui m’a dit « A plus ». Jamais je ne l’ai revu…*
Mais bon ce soir j’invite du monde.